A propos de l'Histoire de la Médecine en Tunisie

« Moi ? je ne vaux pas mieux, mais du moins, je le sais et c’est ma seule supériorité. Je déteste ce que je suis extérieurement. J’ai horreur de moi, en tant qu’être humain. L’humanité est un immense agrégat de mensonges et un énorme mensonge vaut moins que cette petite vérité. L’humanité a moins de valeur, beaucoup moins que l’individu, parce que l’individu est quelquefois capable de vérité, tandis que l’humanité est un arbre de mensonge.»
Les Confusions des Sentiments - Stephan Zweig

Briser le silence : un devoir de mémoire

Quand l’arbre du mensonge fleurit, il devient de plus en plus dur de trouver les fruits de la vérité qui s’y cache. Comment peut-on s’avancer et dire que le temps des mots refoulés est arrivé. Comment dire à tous ces médecins formés depuis 1964 la vérité de la petite histoire de l’histoire de la médecine en Tunisie? Comment dire sans violer le silence du mensonge de ce que furent les premiers pas de la chirurgie tunisienne et la course à la place dans un contexte colonial hostile ? N’y a-t-il pas une impudeur à prendre la parole aujourd’hui pour dire ce qui s’est réellement passé ?
Les chemins des hommes se croisent d’une manière accidentelle : ils naissent, luttent et meurent .Seules demeurent leurs récits de vie, quelques vieilles photos, leurs ouvrages et leurs papiers intimes.
Les passions peuvent-elles résister au temps du succès, au temps de l’échec, à la vie saccagée d’un homme qui s’est fait lui-même (self made man) mais qu’on a brimé peut-être par ce qu’il était perçu comme un étranger, alors qu’il était né au cœur de la Médina de Tunis ? Comment comprendre alors cette volonté d’exclusion, cette omission de son nom des ouvrages prétendant dérouler l’histoire de la médecine tunisienne? Le seul nom du docteur Mohamed Zouaoui provoque-t-il toujours chez ces jeunes médecins qui n’ont pas vécu ces terribles combats nationalistes l’effet d’une irritation jalouse ?
Sinon pour ceux qui prétendent à l’objectivité comment ne pas s’informer pour prendre connaissance des faits et reconnaître leurs aînés ? Font-ils preuve de négligence, d’égocentrisme , d’ignorance, ou ont-il quelque chose à se reprocher à leur égard ?
Plusieurs personnes se sont mêlés d’écrire ou de parler l’Histoire de la médecine tunisienne,des historiens, d’anciens infirmiers, des journalistes, des médecins comme les docteurs Brahim Gharbi et Saïd Mestiri … Se sont-ils interrogés sur ce silence des années 50 à 64? La Médecine tunisienne n’a pas commencé tout de même en 1964 !!! Leur silence serait-il dû à des trous de mémoire ou à des mécanismes plus complexes, puisque de tout temps , il y eut des rivalités d’écoles, comme le dit un dicton tunisien « Saheb Sanaatik ‘oudk » , qui pourrait se traduire par «celui qui a le même métier que toi est ton ennemi ?»
M’appuyant sur des photos, des lettres, des attestations de diplômes, des entretiens avec feu Béchir Hamza, Sleïm Ammar, Béchir Gueddana , Zouheir Kallel …et autres je suis en train de tenter de restituer ce que fut le combat du premier chirurgien tunisien pour exercer son métier dans les hôpitaux publics en Tunisie de 1949 à 1964 pris entre la fureur des médecins coloniaux et la coterie des médecins rentrés un peu plus tôt lui en Tunisie …
Extrait inédit de Docteur Mohamed Zouaoui - La Face cachée de l’Histoire de la médecine en Tunisie (1949 – 1964) – Texte de Faïza Zouaoui Skandrani